Yonali. Sur le moment, je ne sais plus ce que ça veut dire. Je me réveille, et c'est le premier mot qui me vient à l'esprit. Je vois encore flou, et le soleil tape sur mon crâne. Je suis allongée sur le sol, ma main droite tente un mouvement, du sable chaud glisse sur mes doigts. Mes yeux s'habituent peu à peu à la lumière, je me redresse avec difficulté, ma tête tourne légèrement, et je regarde aux alentours. Du sable, des débris éparpillés. Yonali. J'aperçois des rails, et un reste de train totalement détruit. On aurait dit qu'il avait explosé, il y a plusieurs semaines en tout cas. Mon ventre se met d'un coup à gargouiller, comme si je venais de prendre conscience de la durée de mon sommeil prolongée. A vrai dire, c'était le cas. La soif se fait aussi sentir. Je me lève puis me dirige vers le wagon éclaté. Une puanteur m'attaque les narines, mais je continue ma marche, et mes fouilles de bagages, à la recherche de boisson, de nourriture, même quelques gouttes ou quelques miettes... Je m'approche de la partie Bar et commence à l'explorer. Par miracle, je trouve une gourde en assez bon état dans une glacière presque aussi bien conservée. Je bois une gorgée, puis une deuxième, et une troisième mais je suis arrêtée par un reflux. Je ne dois pas boire trop vite, mon corps doit se réhabituer. Yonali.
D'un coup, un souvenir. Yonali. Yonali. C'est moi, c'est comme ça qu'on m'appelle. J'étais dans ce train. J'étais avec des gens, avec mes infirmiers, et un docteur. Ils devaient me changer d'endroit. Où sont-ils ? Je revois le choc, une puissance dévastatrice, les wagons qui volent puis s'entrechoquent en retombant, et moi, propulsée à plusieurs mètres. Quand était-ce ? Je ne me rappelle plus...
Un bruit, un grognement. Je me tourne, je cherche. Un mouvement, une main, un corps, enseveli sous un siège, qui s'agite, qui soulève le fauteil. "Docteur Kyja ? C'est bien vous ?" Elle ne répond pas, elle est dans un sale état, sa peau est partie par endroit, et elle bave un liquide légèrement rougeâtre. Je me recule doucement, elle s'approche, et se jette sur moi.
Je tente de l'en empêcher, ma main gauche explore le placard d'à côté, alors que le médecin est sur moi, puis trouve une bouteille qui semble être en verre, et la projette sur la tête de mon adversaire. Elle se dégage de moi, mais n'est pas totalement sonnée. Je me lève en sursaut et sort en courant du wagon. A quelques mètres, au sol, une porte d'un wagon, pas plié, encore droit, et paraissant solide. Je m'en empare, et ai juste le temps de me retourner que directement la porte me sert de bouclier face au second assaut du Docteur Kyja. Je la repousse en arrière, maintient bien ma bouteille, puis quand la femme revient vers moi, je la tape de toute mes forces sur la tête. La bouteille se casse, elle a des bouts de verre dans le crâne. Elle parait affaiblie, tente de me mordre, mais je l'en empêche avec un nouveau coup sur sa tête. Un Crac se fait entendre, du sang gicle, et pas que du sang, et Docteur Kyja s'affaisse.
Je prends une grande inspiration alors qu'une brise se fait sentir. C'est rien, Yonali, plus personne ne te fera de mal, maintenant. Nous sommes là, nous sommes revenus, et tant qu'on n'aura pas de Yonaline, nous resteront avec toi.
Je respire, puis me tourne vers le désert. J'aperçois un relief là bas, comme une cité. Peut être qu'il y a des gens, peut être des témoins, qui pourront m'expliquer... Il faut que j'y aille...
Serrant ma portière en guise de bouclier, avec ma gourde en bandoulière, un sac à dos que j'ai rempli de babioles, tenant mon reste de bouteille dans l'autre main, je m'avance vers la bourgade qui se dessinait face à moi.
Lentement, je marche, le vent s'est calmé, je n'ai plus mes cheveux roses devant les yeux, mais le soleil cogne encore, je suis pressée qu'il fasse nuit.
Dis pas ça, Yonali, dis pas ça, tu ne sais pas ce que la nuit te réserve...